samedi, avril 09, 2005

Le travail de Oho

Krabi, le 6 avril

Oho a trente ans, a passé deux ans à Londres au cours de ses études (arts) et était gérant d'une pension de famille au moment du tsunami. Comme c'est aussi un bon musicien, Choï lui avait demandé de venir à KPP pour Noël afin de jouer avec l'orchestre, mais comme sa pension était au complet et que Lorna, sa compagne, voulait un Noël familial, il avait décliné l'invitation. Il s'occupe aussi beaucoup de sa mère, qui vit à Krabi, car son père a été victime d'une attaque cérébrale il y a quelques années et ne peut plus être laissé seul.

Aujourd'hui permanent de Muniti Aree, il travaille sans compter, en vrai professionnel de l'humanitaire.

Voici son travail. Sans doute le rapport un peu sec et technique qui suit ne mentionne-t-il pas avec quelle gentillesse et compassion tout cela est fait. Muniti Aree ne pouvait mieux trouver que lui, je suis sûre que vous me croirez si je vous l'affirme. Je n'oublie pas – sans la connaître encore – la précieuse présence de Lorna à ses côtés (elle sera de retour le 12).


* Comment arrivent les nouveaux cas

Il y a des appels téléphoniques directs sur le numéro de Muniti Aree, parce que les gens connaissent personnellement Oho, Hen, Henri, Pi Choï…). Jusqu'à il y a peu de temps, ces appels étaient incessants.

Il y a aussi ceux qui viennent directement chez Hen, et les gens qui font demander qu'on les contacte par l'intermédiaire de connaissances. Lorna, enseignante à Krabi, a par exemple fait part de nombreuses demandes qui arrivaient auprès de ses collègues qui avaient dans leur classe des enfants de KPP.

La troisième voie sont les visites que Oho (et les autres membres de Muniti Aree) effectuent dans le camp de Nang Kok, au "centre" d'informations situé à côté de la mosquée de Krabi, à Koh Phi Phi, sur tous les nouveaux lieux d'habitation des déplacés (certains sur des îles pas très desservies).


* Entrevues

Oho se déplace sur les lieux de vie, dans un rayon d'action de 40-50 km autour de Krabi, sans oublier les îles.

Il tient un grand cahier sur lequel il prend des notes. Il remplit un formulaire concernant tous les détails de la personne/famille dont le cas va être examiné, comme par exemple :

- Nom, prénom, diminutif, âge, adresse, numéro de téléphone
- Composition de la famille, nombre, noms et âges des enfants
- Occupation avant le 26 décembre
- Disparitions dans la famille
- Besoins exprimés, projets

Il réclame aussi, lorsque c'est possible, une copie des documents d'identité, prend des photos.

Tous ces renseignements sont ensuite entrés sur ordinateur.


* Vérifications

Un des grands soucis de Muniti Aree est d'éviter les doublons et les abus en matière d'aide. Si certains ont des scrupules à demander de l'aide, d'autres au contraire sont à l'affût de tout. Une communication systématique est établie avec Angelo et Phi-Phi-Relève-Toi. Une méthode efficace consiste à ce que la somme accordée à un cas donné soit financée à 90 % par une des deux associations et les 10 % restants par l'autre.

Malheureusement, cette communication est beaucoup moins simple avec les autres associations présentes sur le terrain qui ne travaillent pas de manière aussi méthodique et donnent à qui se présente sans vérification, de manière parfois irrationnelle.


* Etude des cas et prise de décision par Muniti Aree, avec communication auprès de notre association


* Déblocage des fonds et contrôle de l'utilisation

Si un financement est réalisé à 100 %, c'est Oho qui ira faire les achats avec la personne concernée. Si le financement est partiel, il réclame la production de factures pour vérifier l'utilisation de la somme débloquée.

S'il y a aide mensuelle, il continuera des visites dans les familles, demandera le cas échéant des certificats de scolarité, en bref continuera le suivi du dossier.


* Le cas des micro-crédits

Il s'agit de prêts à taux zéro. Le maximum a été fixé à 200 000 Bahts (4 000 Euros). Le premier remboursement intervient au bout de trois mois. Les remboursements sont mensuels, avec un minimum de 5 000 Bahts, ou plus si c'est possible ou désiré. Les prêts ont donc une durée variable et un remboursement peut être retardé en cas de nécessité.

A ce jour, plusieurs dossiers ont été validés, l'argent débloqué ou sur le point de l'être : par exemple pour Patcharee (matériel pour boulangerie), Pi Sok (moto-taxi), Bang Kay (outils de forestier).


* Mise en place et suivi des activités au camp de Nang Kok

Comme vous le savez, des activités sont développées au camp de Nang Kok, pour les femmes (broderies de perles sur des jupes) et pour les enfants (le batik connaît un succès fulgurant…).

Oho vérifie que tout se passe bien, fait la liaison avec Tchan, la nouvelle permanente travaillant dans le camp. Il s'occupe de l'achat du matériel (tissu, bois pour les cadres de support, peinture). Un auto-financement de cette activité est attendu sous peu. Ajoutons que Pi Chao, le DJ du Grand Bleu, et qui a tenu autrefois un atelier de batik à KPP, a demandé à y enseigner et se rend au camp tous les jours.

D'autres activités sont envisagées, si l'on peut trouver des animateurs pour les organiser.


* Recherche des enfants ou des gens repartis sur d'autres îles


* Réunions avec d'autres fondations et associations pour les vérifications mentionnées plus haut et savoir s'il y a des besoins qui pourraient être satisfaits (par exemple prise en charge totale ou partielle de certains dossiers de Phi-Phi-Relève-Toi).


A ce jour, plus de 150 dossiers ont été traités par Muniti Aree, ce qui veut dire que la vie de plusieurs centaines de personnes a pu être améliorée. N'oublions pas que ce chiffre n'aurait jamais pu être atteint sans l'incroyable boule d'énergie qu'est Hen qui, en l'absence d'Henri et de Oho, et en dépit de son propre traumatisme, n'a cessé de répondre aux demandes des rescapés et de les aider sans compter. En plus de tout ce temps consacré aux plus meurtris, elle a réussi, avec l'aide de Pi Choi, à créer un nouveau et très beau lieu où ont retrouvé du travail plus de vingt personnes. Tout cela en moins de trois mois.

Qu'elle sache par ces derniers mots que je vous envoie de Krabi avant notre retour à Toulouse à quel point je l'admire et l'aime comme une sœur.


Hélène

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