jeudi, janvier 20, 2005

Lettre du 20 janvier

Krabi le 20 janvier


A toutes et a tous

C’est probablement l’avant derniere lettre que je vous ecris de Thailande. La derniere sera un compte rendu de la premiere reunion de Muniti Aree (fondation Aree) qui aura lieu demain soir. Dimanche après midi, je prendrais l’avion pour Bangkok, afin d’etre sur place lundi pour remplir des papiers sur la disparition d’Aree a l’ambassade de France. J’espere que pour une fois l’administration saura se montrer a l’ecoute.
Je rentrerais a Paris le 26 au matin. Si vous le souhaitz, et s’il est materiellement possible de l’organiser, j’aimerais pouvoir vous remercier le 27 de votre soutien, si possible au journal. Je serais le 28 a Toulouse pour une autre reunion avec le groupe de Toulouse.
J’espere que vous comprendrez que je n’aurais pas obligatoirement la force de raconter a l’infini la meme histoire en particulier dans les mois qui viennent, et que cela pourrait meme vous lasser , ce qui est humain. Il me sera plus facile, du moins je le pense en ce moment de vous en parler collectivement. A vous de voir.
J’en profiterais pour vous presenter des documents sur notre histoire a Phi Phi, et surtout vous expliquer pourquoi le soutien que vous avez manifeste est essentiel.
Votre contribution sur le moyen terme est vitale, et je sais que pour certains d’entre vous elle represente un effort financier important. Il n’y a qu’a Hollywood que Zorro ou superman sauve la planete en 48 heures chrono. Ma conviction intime, et celle des gens de la Fondation Aree qui m’entourent est que les problemes les plus graves se feront jour dans un ou deux mois. Pour l’heure, notamment avec les indemnities accordees par le gouvernment thailandais en cas de deces d’un membre de la famille ( 400 a 600 euros suivant s’il etait le chef de famille, soit )
Deja, et je le comprends fort bien en tant que journaliste, le Tsunami n’occupe plus la une des journaux, ne fournit plus l’essentiel des journaux televises ici en Thailande ni je le suppose ailleurs.
Dans deux mois les premieres aides d’urgence, la premiere vague de solidarite suscitee par l’emotion seront taries. Pour l’heure par exemple, nouos voulions centrer notre action sur les orphelins. C’est logique, plusieurs autres organizations ont eu la meme idée. Tant mieux, on ne peut que s’en feliciter. Au point si j’ose dire qu’il n’ y avait plus assez d’orphelins pour tout le monde. Nous allons donc continuer a suivre ce dossier, car dans trois mois il n’est pas sur que toutes les bonnes intentions se soient traduites dans les faits, mais sans en faire une priorite, en contactant par exemple les familles dont les parents sont toujours vivants, mais qui n’en ont pas moins.a faire face a d’immenses problemes materiels et psychologiques. Nous allons aussi ouvrir un autre chattier, celui des eternels oublies, les ‘vieux’ grands peres et grands meres qui n’ont aucune retraite, et don’t les enfants disparus etaient la source de revenues. Avant hier par exemple, deux membres de mon personnel ont fait un bond parce que la machine a laver venait de se mettre en marche. Le bruit leur rappelait de mauvais souvenirs. D’autres ont du mal a dormir, hantes par les cauchemars. D’autres cherchent a oublier grace a l’alcool. Mais qui sommes nous, premier pays consommateur de tranquilisants au monde pour leur donner des lecons ?
Votre soutien permet deja a trente personnes d’avoir les moyens de vivre. En comptant les familles, cela fait plus de soixante personnes. Dans une societe completement destabilisee c’est enorme,
Notre fierte, votre fierte, sera d’etre la quand d’autres n’y seront plus, quand la plupart nous auront oublie. Si vous ne pouvez pas nous aider parce que vous consacrez deja vos dons a d’autres causes, surtout ne les abandonnez pas. Nous ne sommes pas les seuls au monde a souffrir malheureusement.
Quant a moi, cette disparition, ces disparitions, ce drame terrible ont forcement change mes priorites. Une deuxieme vie commence, qui sera forcement moins belle que la precedente. J’espere continuer a exercer mon métier avec la meme envie, parce que mieux que quiconaue ici, je me rends compte que je suis un privilegie> En vie, en bonne sante, avec un travail passionnant, un toit et aucun souci materiel.
De la construction Presque achevee et un peu egoiste d’un petit paradis, d’une vie passee dans la beaute, avec des besoins et des envies simples, je dois, j’ai envie, le besoin irresistuible pour adoucir mon chagrin de passer a une existence encore plus tournee vers les autres, vers ceux qui m’entourent, vers ceux qui ont reellement tout perdu. Je le dois en memoire d’Aree. Tres peu de personnes connaissent la signification du prenom Aree en thailandais. Aree, c’est celle qui a un grand Coeur, qui prend soin des autres, qui les cajole. Notre fondation, vos associations ne pouvaient pas porter un plus beau nom.
Je vous Wai et vous embrasse
Henri

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