Lettre du 12 janvier

Krabi, le 12 jamvier 2005


A toutes et a tous (faites suivre SVP)

Hier, je suis revenu a Koh Phi Phi pour la premiere fois. J’ai defa effectue ce trajet d’une heure et demie en bateau des centaines de fois, a chaque traversee avec un immense plaisir, derniere etape de mon voyage depuis Paris. Hier bien sur tout plaisir etait absent.
De loin, l’ile est toujours aussi belle. Rien ne peut laisser imaginer…Sauf les objets qui flottent sur l’eau, du matelas a l’ecran d’ordinateur a l’approche de la baie. En accostant a la jetee, je suis revenu a la realite. Tas de debris, bateaux brises, maisons disparues. Je suis alle avec ma belle soeur d’abord au Grand Bleu, a vingt metres du port, masque chirurgical sur le nez a cause des odeurs. Le vieux Granf Bleu, douze ans d’age a souffert mais ne s’est pas effondre.
Tout de suite, le besoin d’aller au Jungle, la ou Aree, Lung Keow, Sole et Nong C ont disparu. C’eest absurde, mais j’ai mis dix minutes a retrouver l’emplacement exact. J’y ai passé des jours entiers, j’ai fait le trajet des centaines de fois. Mais plus un arbre, plus une plante, plus un vestige de batiment pour se reperer. Dans un rayon de 80 metres, trios cocotiers, tous les autres ont disparu. Les rares qui avaient survecu ont ete coupes pour permettre aux helicopters d’atterrir. A la place du Jungle et de ses arbres, de ses plantes et de ses fleurs, de ses batiments en bois et bambous, de ses toits en herbe ou en chaume, un terrain vague de sable sale et de gravats. Chaleur intense, silence quasi absolu. Je suis reste la un log moment, le plus intense de ma vie d’homme.
Retour au grand Bleu. Le mur de la cuisine a ete eventre au fond et sur le cote. Le personnel a commence a deblayer, mais dans la cuisine l’enorme frigo a six portes – je me souviens qu’il avait fallu douze personnes pour le porter lorsqu’on nous l’a livre – obstrue le passage. Les pieds en l’air, la tete en bas, encore charge de nourriture. Recherche de materiel dans les decombres.
Puis je suis alle faire le tour du village. Ou plutot de ce qui etait le village. Plus rien debout. Paysage de guerre, comme si un bombardement avait eu lieu. Ne cherchez pas c’est pire que ce que vous pouvez imaginer
La plupart des constructions les plus anciennes en bord de plage sonta moitie effondrees, eventrees.Il faudra a coup sur les raser. Le Grand bleu echappera a cela.
Maisaucune illusion a se faire, cela prendra du temps, beaucoup de temps. La plupart des gens que j’ai rencontre, thailandais ou etrangers qui avaient des affaires sur l’ile s’interrogent. La moitieen gros veulent rester, rebatir, l’autre pense partir ailleurs. Mais Ou ?
Pour ma part, je sais desormais, ce don’t je n’etais pas absolument sur lorsque j’ai pris le bateau, que oui, je reviendrais a Phi Phi, Oui j’ai envie de reouvrir le grand Bleu un jour. Pour Aree,
Pour le Jungle il est beaucoup trop tot pour savoir. Trop d’emotions sont desormais liees au lieu, trop de choses se sont passees pour repondre. L’heure est loin d’etre venue de se poser la question.
Retour a Krabi hier soir, seul etranger dans le bateau.Nous avons ramene lastatue de Bouddha en teck qui veillait sur les dineurs du Grand Bleu avec son sourire serein. Samedi une equipe ira recupere le materiel qui reste. De maniere incroyable, huit tables et une trentaine de chaises, parfois projetees a des dizaines de metres, sont presques intactes. Elles serviront au Jungle de Krabi
Hier soir, etrangement apaise, j’ai eu le temps de reflechir au gros probleme que vous etes en train de tous me poser. Je vous le repete, je ne pouvais absolument pas imaginer l’ampleur de l’elan de solidarite que vous manifestez. Et, en memoire d’Aree je veux que cela se traduise sur le terrain, par du concret, bien au dela de mon personnel puisque les fonds recoltes le permettent.
Mais ppour gere cela, j’etais un peu dans l’impasse. Impossiblesans relais solide sur le terrain. Choy mon frere thai et hen ma belle soeur ont deja enormement a faire.Alors j’ai vu soudain ce que je crois etre la solution. Nous allons creer ici une fondation Aree en thai Muniti Aree, qui sera administree par des amis surs. Elle sera le miroir de ce que vous avez mis en place,
Un nom m’est venu a l’esprit, celui de Oho, prononcez Ho HO, un ami depuis huit ans d’Aree et de moi meme. Il a 29 ans un diplome des beaux arts de l’universite de Bangkok, et a passé qutre qns en Angleterre, don’t deux ans a la London School of Printing, et est parfaitement bilingue thai anglais. Son nom d’etat civil est Akradej Chakjinda. Il travaillait comme manager d’un petit hotel, et est desormais depuis le 26 au chomage force. Pendant les dix jours qui ont suivi la catastrophe il a passé jour et nuit a l’hopital, faisant le traducteur entre etrangers et thai resolvant de multiples problemes. C’est un mec en or. De plus il a une compagne ecossaise qui trqvqille dans une ecole bilingue de krabi, après 2 ans passes en thailande a bosser pour une ONG.
Je l’ai appelle ce matin et lui ai propose de travailler a plein temps pour la fondation Aree. Il devra monter les dossiers d’aide, avec priorite vers les enfants au debut, les trnsmettre et en assurer le suivi. A mon grand soulagement il a accepte avec enthousiasme. Je vais lui proposer un salaire mensuel de 8000 bahts (160 euros) plus des frais (voyages essence, etc) que j’evalue a 3000 bahts (60 euros). Il serait si vous acceptez non pas mon, mais votre correspondant, avec telephone pour la fondation, et adresse e-mail. Vous pourrez le contacter et si vous passez par ici, il vous guidera sur le terrain pour vousmontrer a quoi a servi votre argent.
J’ai donc besoin de votre accord pour celaVu d’ici cela me semble absolument indispensable pour etre efficace, etre sur que votre aid va la ou elle est le plus necessaire.
Voila encore tant de choses a vous dire. Cela sera peut etre de vive voix la prochaine fois, ou lors d’un prochain message.
Je vous WAI et vous embrasse.
Henri